14 mars 2013

Mike Attack ! [2] : Le Cycle de Tschaï, Jack Vance


La chronique de Mike

Jack Vance...
Aaaah Jack Vance... (avec 29 « A » mais ce serait malmener vos yeux pour rien.)

Je n'irai pas par quatre chemins. Jack Vance occupe de loin, et depuis longtemps, la première marche de mon podium personnel des romanciers, tous styles et toutes époques confondus... Bon d'accord, pour être honnête, il se partage la marche avec Terry Pratchett et Michel Folco, mais je reviendrai une autre fois sur les deux autres lascars...

Quelques mots sur Jack Vance pour ceux qui ne le connaissent pas :

De son vrai nom John Holbrook Vance, il voit le jour à San Francisco en 1916. Etudiant à l'université de Berkeley, c'est là qu'il commence à taquiner la plume, en écrivant pour le Daily Californian des chroniques de Jazz, dont il est grand amateur. Puis comme la plupart des hommes de sa génération, il est mobilisé en 1942. Pour lui, ce sera la marine marchande. Grand bien lui en fit, car c'est de là que lui est venu et resté son amour du voyage et de l'exotisme, qui imprègnent toute son œuvre.

La Science Fiction Writers of America lui accorde, en 1997, la distinction honorifique de « Grand Maître ». Véritable légende (toujours) vivante, du haut de ses 96 ans, il est le lauréat de nombreux prix prestigieux parmi lesquels le Prix Hugo ou encore le Prix Edgar-Allan Poe, pour citer les plus connus. Et c'est sans rougir que d'autres grands noms de la science-fiction comme Robert Silverberg et Roger Zelazny, par exemple, annoncent que sans Jack Vance, ils n'auraient eux-mêmes pas touché à une plume de leur vie, ou tout du moins pas pour écrire avec, le reste ne nous regarde pas.

Auteur de SF en majorité, il peut tout de même se targuer d'être un peu touche à tout, car au cours de sa carrière, il aura aussi tâté de la fantasy, du policier, du thriller et même du gore. A noter, pour les intéressés, que son œuvre, longue comme un jour sans pain, a fait l'objet d'un travail titanesque de retraduction et de réédition complète achevé en 2006 et nommé V.I.E. (Vance Integral Edition). Pour en savoir plus sur la V.I.E : en anglais et en français.



Beau bébé de 863 pages, plus sobrement intitulé Planet of Adventure en anglais pour des raisons clairement commerciales, Le Cycle de Tschaï se compose des quatre volumes suivants : Le Chasch, Le Wankh, Le Dirdir, Le Pnume. Parus à l'origine entre 1968 et 1970 dans des versions ultra remaniées par les éditeurs, puis retraduits et réunis en un seul volume, proposé depuis 2006 dans la version préférée par l'auteur. Il est trouvable dans la plupart des grandes enseignes aux environs de 10€ et pour les bourses plus modestes, n'importe quel bon bouquiniste en aura toujours un exemplaire dans ses rayons, ou même mieux, il aura les quatre tomes séparés, ce qui vous permettra d'apprécier, soit les couvertures originales (et très fidèles à l'esprit des bouquins) réalisées par Tibor Csernus, soit les couvertures réalisées plus tard par le non moins talentueux Caza.



Le résumé :
En découvrant la planète Tschaï, le vaisseau terrien Explorator IV est aussitôt détruit par un missile. Unique survivant de la catastrophe, Adam Reith va devoir affronter un monde baroque, violent et d'une beauté envoûtante. Un monde peuplé de quatre races extraterrestres : les belliqueux Chasch, les impénétrables Wankh, les farouches Dirdir et les mystérieux Pnume. Déjouer les traquenards, explorer les secrets des cités géantes, percer le mystère des hommes hybrides : autant d'étapes pour une extraordinaire Odyssée, qui permettra peut-être à Reith de rentrer chez lui…
Alors, oui, certains me diront, je les entend d'ici (si, je vous jure !) : « Mais Mike, pourquoi Le Cycle de Tschai ? »Eh bien c'est sans hésiter que je leur répond : Parce que. Plus sérieusement, pourquoi celui-ci parmi tous ? Tout simplement parce que c'est le premier Vance que j'ai lu. Et même si depuis, il n'est pas resté le Jack Vance que je préfère, je lui voue une affection toute particulière. Aaah ces satanées premières fois, hein ?

Contrairement aux apparences, Tschaï n'est ni véritablement un roman d'aventure, ni véritablement un roman de SF. Il est les deux et aucun des deux à la fois, comme souvent chez Vance. Prenons garde également à la seconde partie du résumé qui pourrait faire penser à un bon vieux roman SF de série B des années 30, car elle est trompeuse. Ici pas de beau mâle velu et moustachu qui va se frayer un chemin à coups de machette, dans la touffeur torride de jungles tropicales obscures, dans une galaxie lointaine, sur une planète préhistorique peuplée de méchants hommes-singes en carton-pâte, pour aller délivrer une cruche blonde en maillot de bain panthère. Non.

Vignette tirée de la BD

Chez Jacky, ce qui frappe d'emblée, ce n'est pas le héros (ça vient plus tard...), ce n'est pas le moustachu plein de poils, c'est son univers, tellement plausible. Tschaï en l’occurrence. Vance fait partie de ces auteurs de SF dont on à souvent dit, pour les desservir, que leurs œuvres étaient trop alambiquées pour être crédibles, mais je vous assure que ne m'enflamme pas quand je dis que Vance est un conteur et un créateur d'univers hors-pair. Il suffit de chercher sur le net et on en tomberai presque de vertige, tant il est possible de se documenter sur Tschai : ses caractéristiques géologiques, astrologiques, des cartes, des articles sur la faune, la flore, les différents peuples, leurs croyances, leurs coutumes, (je vous invite notamment à consulter la page Wikipédia dédiée au livre.) On sent tout de suite que Vance a envie de partager tout ça et, en auteur un peu sadique qu'il est, il prend un plaisir palpable à plonger dans son monde un personnage qui y est étranger, et auquel on s'identifiera donc d'emblée.

Parlons en tiens, du héros : Adam Reith est très attachant. C'est en tout cas mon point de vue. Il est un peu le type qu'on aimerait détester au premier abord : militaire strict, implacable, fervent adepte de la mandale, bourré de préjugés faciles, têtu, borné, horriblement pingre, sacrément macho et dont la principale faiblesse est son amour inconsidéré pour les jupons, de moins de 20 ans de préférence. Mais il a quand même bon fond le Adam, il a horreur de l'injustice et il voit rouge quand on s'en prend aux faibles.

De plus, il à atterri, ou plutôt s'est écrasé en enfer, le pauvre. Comme nous, il est immergé de force, complètement largué. Formé à diverses techniques de combat et de survie, il va donc devoir faire appel à tout ce qu'il a appris pour ne pas succomber à Tschaï. Comme rien ne l'avait préparé à ça, ce n'est pas son entraînement mais sa détermination qui l'aideront à avancer. Adam Reith a, de plus, un atout majeur dans sa manche : c'est son incroyable culot, qui prendra tout le monde de court sur Tschaï, et qui ne sera pas de trop pour franchir toutes les étapes de cette Odyssée. Parce qu'il est vraiment pas sorti du sable le coco, passez-moi l'expression. Adam, bien évidemment allusion directe au premier homme sur Terre, est sensé être le premier homme sur Tschaï. Seulement le problème, c'est que lorsqu'il se fait salement capturer, il s'aperçoit avec stupeur... que ses tortionnaires sont des hommes.

Vignette tirée de la BD
Captif d'une tribu constituée de primitifs qui portent de mystérieux couvres-chef ornés d'emblèmes, et qui sont curieusement menés par un adolescent chétif et taciturne, on lui apprendra à parler l'unique langue en vigueur sur Tschaï, afin qu'il puisse devenir esclave. Et lorsqu'il se met à trimer il en voit des choses. Il les observe, ces êtres à la fois si humains et à la fois si Tschaïens, maniganceurs, menteurs, manipulateurs, comme des humains et pourtant... Il sent qu'eux aussi le regardent de travers, ils s'en posent tous sinistrement des questions : qui est-il, lui ? Et d'où viennent-t-ils, eux ? À la fois si proches et si éloignés... Et lorsque l'occasion lui est donnée de s'enfuir, il aura la désagréable surprise de voir que partout sur Tschaï, l'homme est présent. Voilà pour vous donner un aperçu.

Je terminerai en vous disant que le réel plaisir que l'on prend à lire ce Cycle de Tschaï tient en une chose, essentielle : Vance est un auteur qui, à l'instar de Tolkien, sait créer un univers dont il a la totale maîtrise, dont il connaît les moindres recoins, et qu'il serait capable de parcourir les yeux fermés. Quand un auteur à ça à vous proposer d'emblée... Bingo !

5 mot(s) doux:

  1. De Vance, j'ai lu Les chroniques de Durdane et j'avais vraiment beaucoup aimé. Et c'est vrai qu'avec cet auteur, le dépaysement est garanti. Il faudra que j'essaie ce cycle car ton billet donne bien envie ( j'ai une grosse envie d'exotisme en plus, ça tomberait bien ...)

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  2. Chic ! Un billet sur Vance, souvent sous estimé. Un conteur hors pair, oui, un créateur d'univers. J'ai presque tout lu de lui et je suis fan...
    (mais alors, à quand un billet sur le trop oublié Clifford Simak ?)

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  3. @Aaliz. Pour dur pur exotisme "Vancien", enivrant en diable, je vous conseille plus que vivement de lire "Un monde d'Azur". Dépaysement garanti sur fond de renversement politique et remise en question des institutions... Excellent.

    @Anne Le Maître. Clifford Simak, un oublié du genre, effectivement. Mais mon souci avec Clifford Simak, c'est que je trouve qu'on est vraiment à la limite du desuet sur certaines de ses oeuvres. Les seules que j'aie lues (et j'en ai lu quelques unes, quand même) on eu du mal à me convaincre. Mais "Demain les chiens", par exemple, reste incomparable.

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  4. Ce désuet chez Simak, je suis d'accord, absolument. Mais c'est pour l'effet vintage ! Non, sérieusement, je trouve que ça tient, même s'il y en a (oui) qui me sont tombés des mains. Je suis fan de "Au carrefour des étoiles", par exemple, et de "La planète de Shakespeare" entre autres.
    Pas du tout le même genre mauvais garçon que Vance, ceci étant.

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  5. @Anne Le Maître

    Pour moi on est vraiment.... comment dire....?
    On va faire péter la métaphore :

    Je trouve que le "vintage" est une corde raide dans la science-fiction. L'impact de l'imagination des auteurs de l'époque est rattrapée par le temps et la réalité a quelques exceptions près (Jack Vance par exemple...) et pour 90% d'entre eux, la corde finit par péter sans que jamais on sache quand... Et pour moi, elle avait déjà pété à l'époque où je me suis plongé dans la SF.

    J'ai des souvenirs très vivaces d'avoir apprécié "La Planète de Shakespeare". J'avais adoré le vaisseau doué de raison, notamment... Je me souviens d'avoir haussé le sourcil droit tout au long de "À pied, à cheval et en fusée", de m'être demandé ce que je venais de lire après avoir refermé "Les Visiteurs".

    Simak restera à mes yeux un bien meilleur novelliste que romancier. Je trouve que ses nouvelles sont plus incisives, tapent plus juste, et que ses romans s'essoufflent, et comme son univers est vraiment perché, c'est souvent comme si on finissait par avoir le vertige... J'ai pas peur de dire qu'à l'âge ou je l'ai découvert, lire ses romans me mettait toujours un poil mal à l'aise.

    Par contre je ne pourrai que recommander à ceux qui ne le connaissent pas de le lire. J'ai l'intention de m'y remettre d'ailleurs prochainement.

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