27 juillet 2014

Aurore (one shot), Enrique Fernández

« Qui suis-je ? », « D’où je viens ? » ainsi commence l’incroyable histoire de la jeune Aurore. Et seul, Vokko, un mystérieux animal à la crinière ondulée, guide spirituel, semble pouvoir l’aider à y répondre. Crinière rousse flamboyante, yeux bleus, impétueuse, Aurore appartient à une tribu qui, depuis des millénaires, croit aux esprits des ancêtres, et vit de la chasse, de la pêche et de la cueillette. 
Un temps révolu. La tribu est aujourd’hui divisée : d’un côté, ceux qui ne croient plus en rien ; et de l’autre, ceux qui continuent à espérer, à lutter... Un soir, un phénomène magique, extraordinaire se produit : une lueur brillante, dorée, envahit le ciel... Quelques jours plus tard, un ruisseau scintillant traverse le village, et transforme Aurore en pierre ! Pour la sauver, ses parents décident de suivre le ruisseau pour remonter jusqu’à sa source... 
Quant à Aurore, piégée, elle doit s’efforcer d’inventer une chanson qui témoignerait de l’essence de son peuple. Une rédemption ?
Coup de cœur !

Un loup à l'air menaçant et une jeune fille aux cheveux et aux chausses flamboyants sur fond de forêt impénétrable... Lorsque mes yeux se sont posés la première fois sur cette couverture, j'ai instantanément pensé au conte du Petit Chaperon Rouge. Et si l'histoire, au final, n'a que très peu à voir avec le classique que l'on raconte aux enfants avant d'aller dormir, il s'agit cependant bien d'un conte. Un conte qui parle de changement, de transformation, de parcours initiatique, ligne directrice de la sublime collection Métamorphose dont je ne cesse de vous vanter les mérites.

L'album s'ouvre sur le loup, Vokko, qui semble s'adresser directement au lecteur : "Alors ? Tu ne sais ni qui tu es, ni d'où tu viens, c'est ça ?". Il entreprend de nous raconter le drame qui a touché notre peuple : l'amenuisement des ressources, la perte des croyances, et l'apparition brusque de ce ruisseau doré, dans lequel nous avons étourdiment plongé les mains. Ce qui s'est passé ensuite ? Le ruisseau nous a transformé en pierre, devant le regard horrifié de nos parents. Nous sommes à présent dans un monde différent, ou nous pouvons voir sans être vus, ou nous côtoyons les esprits. Moma, la chamane du village, nous confie la lourde tâche d'inventer une chanson, pour redonner la foi à la tribu. "Au fait, tu t'appelles Aurore, tu t'en souvenais ? Non ? Ça ne fait rien..."

C'est ainsi que commence le double périple de la jeune Aurore, chargée d'une délicate mission, et de ses parents partis en quête de la source du ruisseau doré. Au cours de son voyage, la fillette croisera la route de nombreux esprits et créatures magiques qui habitent les terres de son peuple, les uns bienveillants, les autres méfiants et désabusés à cause des agissements de l'Homme. Et il y a Birka, le sombre Birka, l'esprit trompeur... Envoûtant, c'est l'adjectif qui me vient immédiatement à l'esprit à propos de cet album aux accents de légendes amérindiennes et inuit. Enrique Fernández entremêle avec brio conte traditionnel et fable écologique, le tout servi par des illustrations à couper le souffle. 


J'étais déjà émerveillée par le style coloré et rebondi de l'auteur dans ses précédents travaux, L'île sans sourire et Le magicien d'Oz, mais mon cœur penche définitivement en faveur de cet album à la technique traditionnelle. Enrique Fernández, fort de ses années de travail chez Disney, excelle à la peinture numérique, mais je n'aime rien tant qu'une aquarelle délicate où l'on distingue les coups de pinceaux et le grain du papier. J'y trouve une sensibilité prodigieuse qui sert magnifiquement cette histoire où il est, finalement, surtout question d'amour. La fin, inattendue, m'a presque tiré quelques larmes. Mais n'allez pas croire qu'Aurore n'est qu'une histoire tragique : Enrique Fernández a pris soin d'y inclure une bonne pointe d'humour et d'impertinence. Aurore a un sacré caractère, et le duo qu'elle forme avec Vokko, tantôt cynique, tantôt malicieux, fait des étincelles. Cette touche plus légère se marie étonnamment bien avec la gravité du propos, et donne à l'ensemble beaucoup de vivacitéVous l'aurez compris, j'ai été conquise de A à Z par ce très bel album aux couleurs chatoyantes et à l'atmosphère enchanteresse. À lire et à relire.

Aurore, Enrique Fernández
Éditeur : Soleil
Collection : Métamorphose
Paru en 2011
52 pages
15.95 €
ISBN 978-2-302-01872-3
One shot
D'autres K.BDiens : Yvan / Lunch / Zaelle

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