19 novembre 2011

Zazie dans le métro, Raymond Queneau




Zazie débarque à Paris pour la première fois chez Tonton Gabriel. Le Panthéon, Les Invalides et le tombeau du véritable Napoléon, elle n'en à que faire ! Mais kess-qui l'intéresse alors, Zazie ? Le métro ! Et quand elle apprend que les employés sont en grève, elle leur envoie une volée d'injures. C'est qu'il vaut mieux pas la contrarier, la mouflette !

J'ai aimé !

Voici un classique que je n'avais encore jamais lu, bien que j'en entendis souvent parler. C'est désormais chose faite dans le cadre du challenge ABC 2011 de Nanet ! J'avoue que les premières pages m'ont déstabilisée, je ne m'attendais pas du tout à ce genre de lecture. Quel genre me direz-vous ? Le genre qui fait se bidonner devant le loufoque des situations, oui, mais aussi le genre qui n'est pas forcément accessible.
Je m'esplique (comme on dirait) : Zazie dans le metro est un ouvrage savoureux, très savoureux même, que l'on pourrait très certainement qualifier de "rabelesque" compte tenu de la capacité de l'auteur à inventer de nouveaux mots (et parce qu'il est aussi beaucoup question de ripaille et de breuvages en tout genre).
Mais voici que je me mets à parler dans le style de Queneau ! Son style, inimitable pourtant, est composé d'un ensemble hétéroclite de mots savants ou d'expressions soutenues mais également du plus bel argot du peuple. Les expressions sont toujours très imagées, les situations exposées à grand renfort d'adjectifs qualificatifs démentiels, bref, la langue de Queneau est une langue bien vivante et surtout très remuante.
Lorsque j'évoquais l'accessibilité ci-dessus, je pense à cet argot, qui bien que très souvent déchiffrable grâce au sens général de la phrase, ne facilite pas la lecture pour les plus jeunes (ou les moins jeunes qui découvrent seulement ce texte). D'autant que cet argot est désormais complètement dépassé... (le texte a été publié en 1959 donc n'est plus vraiment d'actualité ! ) Voici un petit exemple pour illustrer le propos :

"Retraite mon cul, dit Zazie. Moi c'est pas pour la retraite que je veux être institutrice.
- Non bien sûr, dit Gabriel, on s'en doute.
- Alors c'est pourquoi? demanda Zazie.
- Tu vas nous espliquer.
- Tu trouverais pas tout seul, hein?
- Elle est quand même fortiche la jeunesse d'aujourd'hui, dit Gabriel à Marceline.
Et à Zazie:
- Alors? pourquoi que tu veux l'être,  institutrice?
- Pour faire chier les mômes, répondit Zazie. Ceux qu'auront mon âge dans dix ans, dans vingt ans, dans cinquante ans, dans cent ans, dans mille ans, toujours des gosses à emmerder.
- Eh bien, dit Gabriel.
- Je serai vache avec elles. Je leur ferai lécher le parquet. Je leur ferai manger l'éponge du tableau noir. Je leur enfoncerai des compas dans le derrière. Je leur botterai les fesses. Parce que je porterai des bottes. En hiver. Hautes comme ça (geste). Avec des grands éperons pour leur larder la chair du derche.
- Tu sais, dit Gabriel avec calme, d'après ce que disent les journaux, c'est pas du tout dans ce sens-là que s'oriente l'éducation moderne. C'est même tout le contraire. On va vers la douceur, la compréhension, la gentillesse. N'est-ce pas, Marceline, qu'on dit ça dans le journal?"


Voilà, passé le moment de mise en garde à l'encontre des plus jeunes qui ne possèderaient pas les références (ou les plus jeunes tout court, Zazie dans le métro est loin d'être un texte enfantin), je peux enfin m'esprimer selon moi personnellement mes impressions. J'ai pris énormément de plaisir à cette lecture. Passé les quelques minutes de surprise liées au style, à la verve et même au contenu, j'ai adoré ce petit roman très caustique. La plume de Queneau est un véritable bonheur et son entreprise, à savoir donner une identité écrite au parlé du peuple, est très réussie et originale. Le célèbre "Doukipudonktan" en est l'exemple parfait.

Zazie est une enfant à la fois insupportable et attachante, malpolie, insolente, têtue mais aussi très intelligente. La galerie de personnages qui gravitent autour de la jeune fille est tout aussi intéressante : du tonton Gabriel, danseur dans une boite homosexuelle, au flic/satyre qui tombe éperdument amoureux en passant par la veuve pleurnicharde ou le conducteur de bus sans scrupules, toutes les catégories sociales sont abordées, leurs petites manies soulignées et tournées au ridicule. Queneau ne se contente pas de faire rire le lecteur ; son roman est également une étude particulièrement lucide, à la fois psychologique et sociologique. En bref, Zazie dans le métro est un récit truculent, une petite merveille de style, un roman incontournable que je suis ravie d'avoir lue ! La certaine complexité du langage en fait cependant un récit que je conseille au plus grands...

Zazie dans le métro, Raymond Queneau
Éditeur : Galimmard
Collection : Folio Jeunesse
Paru en 1999
236 pages
? €
ISBN 9782070528134

18/26

0 mot(s) doux:

Enregistrer un commentaire

© Livr0ns-n0us, AllRightsReserved.

Designed by ScreenWritersArena