La séduction : un art subtil, un rite mis à l'honneur pendant la Renaissance avec les cours d'amour, mais déjà chanté par Ovide. La femme étant libre de ses sens et de ses sentiments, comment la conquérir ? Où tendre ses filets ? Compliments, promesses, larmes, baisers, hardiesse... Toutes les armes sont bonnes. Celle que l'on aime une fois séduite, comment la retenir ? Au terme d'un jeu dont le prix est le plaisir, l'amant raffiné a plus d'une corde à son arc... Quant à la femme, il lui appartient de garder son éternel féminin, ce qui n'est pas le plus facile... Au-delà de l'artifice, l'art doit gouverner l'amour. Un art dans lequel Ovide est passé maître.
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J'ai découvert ce petit livre sur insistance de mon grand-père qui désirait que je mette au moins un classique antique dans la liste de mon challenge ABC 2011 proposé par Nanet. Je n'étais pas enchantée plus que ça... non pas que je n'aime pas les classiques, mais je trouvais que ce titre détonait vraiment de mes autres lectures, et je n'étais donc pas sûre de m'adapter vraiment au changement de registre, de style, d'époque... Lorsque que j'ai vu que ce texte était en réalité très court, je me suis dit que si cela ne me plaisait pas, je n'aurais pas eu à perdre mon temps longtemps.
J'ai d'ailleurs conservé cette idée longtemps puisque j'ai été totalement perdue les premières pages par le style si différent des textes contemporains et le nombre de références antiques que je ne me maîtrise pas, bien que je sois assez branchée par la mythologie grecque. Le texte est parfois encadré par des notes explicatives du traducteur mais qui, loin de me renseigner, n'ont fait qu'accentuer ma perplexité. "Inspiré du distique élégiaque"... euh... okay ?
Bref, cela se présentait mal ; le courant entre Ovide et moi ne passait pas vraiment... Mais j'ai tant bien que mal continué ma lecture et suis rentrée petit à petit dans l'atmosphère, dans l'esprit de l'époque, pour découvrir finalement un texte particulièrement instructif... et hérissant ! Ovide se fait le chantre de l'amour et de ses procédés. Au programme : tromperie, mensonge, manipulation, machisme (terme anachronique, peut-être) et duplicité. Qu'il est beau, l'amour ! Les propos tenus réveilleraient en chaque femme un instinct féministe particulièrement vindicatif. Le texte, en trois parties, dont deux s'adressant aux hommes, s'attache à donner les clés de la séduction et les moyens d'entretenir la flamme. A travers ces quelques pages, la femme apparaît davantage comme une proie (le mot est d'ailleurs utilisé plusieurs fois) que comme une personne digne de respect, bien qu'elle soit au centre de toutes les attentions. Ovide ne lésine ni sur la comparaison agricole, ni sur la métaphore animalière pour désigner la "femelle". Voici quelques extraits irrésistibles que je n'ai pu m'empêcher de vous faire partager :
"Il te faut jouer l'amant, et, dans tes paroles, te donner les apparences d'être blessé d'amour ; ne néglige aucun moyen pour le persuader. Et il n'est pas difficile d'être cru : toute femme se juge digne d'être aimée ; si laide soit-elle, il n'en est pas qui ne se trouve bien."
"Les larmes également sont utiles : avec des larmes tu amollirais le diamant. Tâche que ta bien-aimée voie, si tu peux, tes joues humides. Si les larmes te font défaut (car elles ne viennent pas toujours à commandement), mouille-toi les yeux avec la main."
Cependant, j'ai d'abord considéré ce texte pour sa valeur documentaire, son rôle de témoignage des mœurs romaines du Ier siècle avant J.C. J'ai très vite mis de la distance entre la valeur du texte et ce qu'il raconte pour me concentrer sur l'intérêt historique d'un tel document. En cela, j'ai été émerveillée par L'art d'aimer, récit particulièrement intéressant. Tantôt quasi-insoutenable par la bêtise des propos ou les images utilisées, tantôt hilarant sans le faire exprès, ce texte, toujours lucide, est un reportage savoureux, une véritable plongée dans l'Histoire.
L'art d'aimer est donc un texte que j'ai beaucoup de mal à évaluer car il m'a autant révolté qu'enchanté, selon le point de vue où je me place.
Et pour finir sur une note charmante :
"Je hais les embrassements, où l'un et l'autre ne se donnent pas (voilà pourquoi je trouve moins d'attrait à aimer des petits garçons)."
C'est dit !
L'art d'aimer, Ovide
Éditeur : Le Livre de Poche
Collection : Classiques
Paru en 1967
185 pages
? €
22/26
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