Oh, boy !, Marie-Aude Murail

Ils sont frère et sœurs.
Depuis quelques heures, ils sont orphelins. Ils ont juré qu'on ne les séparerait pas. Il y a Siméon Morlevent, 14 ans. Maigrichon. Yeux marron. Signe particulier : surdoué, prépare actuellement son bac. Morgane Morlevent, 8 ans. Yeux marron. Oreilles très décollées. Première de sa classe, très proche de son frère. Signe particulier : les adultes oublient tout le temps qu'elle existe. Venise Morlevent, 5 ans.
Yeux bleus, cheveux blonds, ravissante. La petite fille que tout le monde rêve d'avoir. Signe particulier : fait vivre des histoires d'amour torrides à ses Barbie. Ils n'ont aucune envie de confier leur sort à la première assistante sociale venue. Leur objectif est de quitter le foyer où on les a placés et de se trouver une famille. A cette heure, deux personnes pourraient vouloir les adopter. Pour de bonnes raisons.
Mais aussi pour de mauvaises. L'une n'est pas très sympathique, l'autre est irresponsable, et... Ah, oui ! ces deux personnes se détestent.

Coup de cœur !

Lorsque Luthien a proposé ce titre en lecture commune, je n'ai pas hésité une seule seconde. J'ai un attachement particulier à cet ouvrage de Marie-Aude Murail, découvert il y a très longtemps et relu plusieurs fois depuis. Aujourd'hui encore, je suis émerveillée par la justesse et la fraîcheur de ce petit récit. Luthien a eu la bonne idée de nous proposer quelques questions façon interview ; cette chronique aura donc donc un petit goût d'inédit...

Comment avez-vous eu connaissance de ce livre ? Connaissiez-vous déjà l’auteure ? Découvrirez-vous d’autres livres d’elle ?

Oh, boy ! fut mon premier Marie-Aude Murail. Le nom de l'auteure ne m'était pas inconnu mais c'est la couverture de celui-ci qui a arrêté mon choix. Ces barbies impudiquement alignées sur le rebord de la baignoire ont un potentiel comique qui ne cesse de m'émerveiller... (en plus, la brune c'est Jasmine et j'avais la même... elle n'a pas gardé ses cheveux longtemps !)

Depuis Oh, boy ! j'ai lu d'autres titres de Marie-Aude Murail et j'ai même eu l'occasion de la croiser a plusieurs reprises, notamment dans le cadre des mes études à l'IUT de Dijon où elle était venue rencontrer une classe de 6ème qui avait travaillé toute l'année sur ses œuvres. Elle ressemblait exactement à ce que j'avais imaginé : une petite bonne femme d'une énergie incroyable, fine, avec un humour décapant et un feeling instantané avec les enfants. Je n'ai pas vu le temps passer lors de cette séance où Marie-Aude Murail a répondu à des questions nombreuses et variées comme "pourquoi avez-vous décidé d'écrire" ou "vous inspirez-vous de vos enfants pour certains personnages ?".

Ce livre a semble-t-il été dévoré par beaucoup. Qu’est-ce qui vous a captivé pour que vous ne le lâchiez pas un seul instant ?

Marie-Aude Murail est une conteuse hors-pair qui n'hésite pas à aborder de nombreux thèmes tabous ou évoqués avec tellement de pincettes et de politiquement correct que cela en devient ridicule (le suicide,  la maladie, l'homosexualité, l'abandon, etc.). Oh, boy ! est un roman qui raconte simplement et dédramatise bon nombre de situations. Je crois sincèrement que c'est la franchise, l'humour omniprésent et l'espoir indéfectible qui se dégagent de ce texte qui permet à tous, jeunes comme moins jeunes, d'être touché et emporté.

- Alors c'est vrai ce que disait Dents-de-Lapin sur ta mère, hier soir, au baby ?

[...]

- Je ne sais pas de quoi vous parlez, répondit Siméon, le ton neutre.

- Que ta mère, elle s'est tuée en buvant du Canard Vécé.

La douleur déchira le maigre corps de Siméon. Il comprenait enfin ces regards qu'on lui jetait, entre horreur et pitié; ces murmures qui s'éteignait quand il entrait dans une pièce. Il prit le temps de sourire avant de répondre :

- N'importe quoi ! C'était du Décap four.

La situation de la fratrie Morlevent semble désespérée, et chaque chapitre amène de nouvelles épreuves. Après le décès de leur mère et l'abandon de leur père, les enfants se retrouvent seuls et sont mis en foyer  et attendant d'être placés. Deux parents sont découverts : Josiane, une bourgeoise bon-chic-bon-genre et pleine de préjugés, qui rêve d'une jolie petite fille et pour laquelle Venise représente une aubaine sans précédent. Elle se refuse cependant à adopter les deux autres... De l'autre côté, Barthélémy, un jeune homosexuel indépendant et immature qui voit débarquer ces trois enfants comme un vendeur de porcelaine face à un troupeau d'éléphants. Pour ne rien arranger, ces deux-là se détestent ... et très vite, les enfants, auparavant embarassants, deviennent l'objet d'une petite guerre infantile : c'est à qui aura les meilleurs arguments pour se voir confier la garde de la fratrie Morlevent !

 - C'est vrai que Barthélémy, c'est un pédésexuel ? demanda soudain la fraîche voix de Venise.
- Chut ! fit Siméon en guettant les autres tablées. Où tu as entendu ça ?
- Dans la voiture. C'est Josiane. [...] C'est quoi alors, un pédésexuel ? demanda-t-elle tout bas.
Siméon hésita inhabituellement. Puis il se décida :
- C'est un garçon qui porte une boucle d'oreille.
Une déduction s'imposa à l'esprit clairvoyant de Venise.
- Et bien, dit-elle, Josiane n'aime pas les boucs d'oreilles.

Ce livre traite de nombreux sujets. Est-ce qu’un vous a particulièrement marqué ? Au contraire, est-ce que vous n’avez pas aimé la façon dont un est traité ?

Globalement, j'ai beaucoup aimé la façon dont l'auteure aborde les multiples sujets qui émaillent son récit. Les enfants devront notamment faire face à la maladie très grave de l'un d'entre eux dont je ne vous parlerai pas outre mesure pour ne pas vous spoiler. On pourrait croire ce roman excessif, trop peu crédible, et surtout déprimant mais il n'en est rien : chaque nouvel obstacle est l'occasion pour les Morlevent de réaffirmer leur amour et leur attachement. Oh, boy ! est davantage une ode à la famille que l'histoire de drames. Même lors des évènements les plus graves, Marie-Aude Murail arrive à faire circuler une énergie et une joie de vivre immense grâce à ses personnages.

Beaucoup de personnages très différents sont présents dans ce livre et ils évoluent tout au long de l’histoire. Quel a été le personnage que vous avez préféré au final de cette lecture ? Est-ce qu’un personnage vous a agacé au début et vous avez finalement changé d’avis ?

Mon personnage préféré reste sans conteste Venise grâce à sa spontanéité et ses phrases d'un français approximatif qui me font toujours beaucoup rigoler, mais tous les enfants Morlevent sont extrêmement attachants. On ne peut rester de marbre devant leur destin chaotique et pourtant illuminé de moments  fraternels solaires. On se plaît même à détester les personnages bêtes et méchants comme Josiane, qui s'améliore petit à petit mais qui conserve néanmoins son rôle de mégère.

Lorsque Barthélémy retourna au salon, douché et presque de bonne humeur, il trouva les enfants Morlevent déjà bien installés. Venise avait étalé toute sa collection de poupées Barbie et se racontait toute seule des histoires où le passé simple était mis a forte contribution.

-Shelly débouchona la bouteille et buva tout le champagne. Alors, Barbie arriva en colère et disa : "qui a prendu tout le vin ?"

Le mot de la fin :

Porté par une écriture jouissive, drôle, parfois acide, Oh, boy ! est un récit simple, entier et juste qui nous embarque dès la première page et qu'il est impossible de lâcher en cours de route. Un roman ébouriffant que je conseille à tous !

Oh, boy !, Marie-Aude Murail

Éditeur : L'École des Loisirs

Collection : Médium

Paru en 2000

207 pages

10.20 €

ISBN 9782211056427

Progression : 1 livre lu

LC réalisée avec :

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