Les dix enfants que Madame Ming n'a jamais eus, Eric-Emmanuel Schmitt

Madame Ming aime parler de ses dix enfants vivant dans divers lieux de l’immense Chine. Fabule-t-elle, au pays de l’enfant unique ? A-t-elle contourné la loi ? Aurait-elle sombré dans une folie douce ? Et si cette progéniture n’était pas imaginaire ? L’incroyable secret de Madame Ming rejoint celui de la Chine d’hier et d’aujourd’hui, éclairé par la sagesse immémoriale de Confucius.

Waouh !

Même si je ne me précipite pas sur toutes ses nouvelles parutions, Eric-Emmanuel Schmitt est une valeur sûre et lorsque j'en ai l'occasion, je le lis volontiers. C'est ainsi que j'ai profité de quelques jours chez mes grands-parents (qui ont une bibliothèque tellement énorme que c'en est presque une insulte à la mienne ^^) pour découvrir le petit dernier du Cycle de l'Invisible, une série de petits romans ayant pour trait commun la religion ou, de manière plus générale, la spiritualité. J'avais adoré Le Sumo qui ne pouvait pas grossir ; c'est donc avec curiosité et impatience que je me suis plongée dans l'histoire de Madame Ming. Dans une Chine rigide et protocolaire, Madame Ming, sublime dame pipi, règne sur l'univers carrelé et aseptisé des toilettes pour hommes d'un grand hôtel. C'est là que notre narrateur la rencontre. Touché et impressionné par sa dignité et l'importance avec laquelle elle accompli sa tâche, il se prend d'affection pour elle et ne tarde pas à entamer la conversation.

L'histoire incroyable que lui raconte Madame Ming le déstabilise profondément. Incrédulité, hilarité, colère, admiration et compassion se succèdent devant le portrait que dresse cette petite femme de chacun de ses enfants prodiges. Le narrateur ne peut s'empêcher de ressentir une foule de sentiments contradictoires ; le doute est celui qui règne par dessus tout. Ce récit paraît en effet fort rocambolesque mais Madame Ming est d'une précision et d'une franchise déconcertante. Fabule-t-elle ? Y a-t-il une part de vérité dans son histoire ? Cela a-t-il finalement de l'importance ?

J'ai été une fois de plus fascinée par le procédé récurrent d'E.E Schmitt qui consiste à instaurer un jeu de miroir entre le narrateur et d'autres personnages (voire même le lecteur). Le récit haut en couleur de Madame Ming renvoie le narrateur à ses propres mensonges, aux recoins qu'il s'efforce de cacher, y compris à lui-même, à ses questions qu'il élude par commodité. Ce court roman, apparemment simple et ingénu, met en lumière une foule de petites pensées pleines de sagesse et ouvre la voie à de multiples interprétations. Le choc de deux personnages appartenant à des univers culturels très différents ne fait que souligner davantage l'universalité des comportements et des rouages de l'esprit. Les dix enfants que Madame Ming n'a jamais eus est un récit extrêmement bien construit sur le pouvoir de l'imagination qui doit son charme à la multiplicité des influences qui le composent. Même si je ne suis pas complètement emballée par le cadre du roman (j'ai un peu de mal avec la Chine...), j'ai été séduite par la sagesse de Madame Ming où se côtoient dictons populaires et pensées de Confucius qui forment un joyeux bric-à-brac philosophique.

Les dix enfants que Madame Ming n'a jamais eus,  Eric-Emmanuel Schmitt

Éditeur : Albin Michel

Paru en 2012

114 pages

12 €

ISBN 978-2-226-22069-1
6° récit du Cycle de l'Invisible

Vous aimerez peut-être...