13 mars 2013

La couleur des sentiments, Kathryn Stockett


Chez les Blancs de Jackson, Mississippi, ce sont les Noires qui font le ménage, la cuisine, et qui s’occupent des enfants. On est en 1962, les lois raciales font autorité. En quarante ans de service, Aibileen a appris à tenir sa langue. L’insolente Minny, sa meilleure amie, vient tout juste de se faire renvoyer. Si les choses s’enveniment, elle devra chercher du travail dans une autre ville. Peut-être même s’exiler dans un autre Etat, comme Constantine, qu’on n’a plus revue ici depuis que, pour des raisons inavouables, les Phelan l’ont congédiée.
Mais Skeeter, la fille des Phelan, n’est pas comme les autres. De retour à Jackson au terme de ses études, elle s’acharne à découvrir pourquoi Constantine, qui l'a élevée avec amour pendant vingt-deux ans, est partie sans même lui laisser un mot.
Une jeune bourgeoise blanche et deux bonnes noires. Personne ne croirait à leur amitié ; moins encore la toléreraient. Pourtant, poussées par une sourde envie de changer les choses, malgré la peur, elles vont unir leurs destins, et en grand secret écrire une histoire bouleversante.
Waouh !

J'ai mis longtemps avant de décider de me plonger dans ce récit. Il faut dire que, malgré les commentaires très positifs de la part de personnes aussi pleines d'a priori que moi à l'ouverture de ce roman, je m'attendais tout de même à un truc gorgé de bons sentiments (quelles que soient leurs couleurs !). J'ai finalement bien fait de m'y mettre puisque La couleur des sentiments se révèle tellement plus que cela...

Je ressors même de cette lecture assez secouée. La couleur des sentiments est de ces œuvres de fiction extrêmement réalistes qui vous prennent aux tripes et qui vous vont réfléchir pendant longtemps. Après une bonne moitié très, voire trop calme, il suffit de quelques lignes bien trash pour faire basculer le récit d'un Anna Gavalda à une critique féroce de l'Amérique ségrégationniste du XX° siècle. Outre une écriture soignée où l'oralité omniprésente est parfaitement retranscrite, la grande force de ce récit est sans nul doute le trio de voix féminines qui se répondent et se complètent.
"On me disait toujours ce que je devais penser de politique, de Noirs, du fait d'être une fille. Mais cet instant, le pouce de Constantine pressé dans ma main, je compris que je pouvais aussi penser par moi-même." Skeeter
Skeeter Phelan a toujours rêvé d'écrire. De retour à Jackson, elle décroche au culot une petite chronique ménagère dans le journal local. Mais la tenue d'une maison ou les coulisses de la séduction sont bien loin de ses préoccupations ; elle trouve alors de l'aide en la personne d'Aibileen, la bonne d'une de ses amies. Petit à petit, elles tissent une relation d'amitié qui défie toute les lois de l'époque. Skeeter, encouragée par une éditrice à écrire "sur ce qui vous dérange, en particulier si cela ne dérange que vous", nourrit alors l'idée d'un recueil de témoignages de bonnes sur leur quotidien. Aibileen et Skeeter, désormais unies par ce secret, doivent pourtant faire face seules à l'angoisse et la peur d'être découvertes. Pour la blanche comme pour la noire, le moindre faux pas pourraient leur être fatal... Dès lors, la tension est palpable jusqu'à la fin du roman.
"Du côté du comté de Madison, la chaleur fait officiellement de Miss Celia la personne la plus paresseuse des États-Unis d'Amérique. Elle va même plus chercher le courrier à la boite aux lettres, c'est moi qui dois le faire. Elle a même trop chaud pour se traîner jusqu'à la piscine. Et ça me pose un problème.
Vous voyez, je pense que si le bon Dieu avait voulu que des Blancs et des Noirs restent aussi longtemps ensemble et aussi près pendant la journée, il nous aurait fait incapables de voir la couleur." Minny
Si le fond historique est particulièrement documenté, donc crédible, La couleur des sentiments est avant tout une histoire profondément humaine, pleine d'émotions. On ne peut rester insensible à l'injustice des lois raciales qui finissent parfois par être complètement intégrées par les deux parties malgré leur apparente absurdité. L'auteure évite pourtant habilement les écueils du manichéisme, notamment en soulignant la force du conditionnement lié à l'éducation. Si la haine entre noirs et blancs est omniprésente, il y a aussi beaucoup d'amour et d'attachement... Je frôle le coup de cœur pour ce titre mais je regrette que l'intrigue mette autant de temps à se mettre en place, même si la longue introduction aux évènements permet de s'immerger complètement dans l'ambiance. 
"J'ai envie de crier assez fort pour que Baby Girl m'entende, de crier que sale, c'est pas une couleur, que les maladies, c'est pas les Noirs. Je voudrais empêcher que le moment arrive - comme il arrive dans la vie de tout enfant blanc - où elle va se mettre à penser que les Noirs sont moins bien que les Blancs." Aibileen
La couleur des sentiments, Kathryn Stockett
Éditeur : Actes Sud
Collection : Babel
Paru en 2012
608 pages
9.70 €
ISBN 978-2-330-01307-3

11 mot(s) doux:

  1. Je l'ai fini avant-hier et j'adhère à ton avis. Un coup de coeur !

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  2. Aaaah! Que du bonheur ce roman! Encore un avis positif, ça fait plaisir!

    Pauline,
    Entre Les Pages : http://areader.over-blog.com

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  3. A chaque fois que je vais en librairie, j'hésite... Et je finis par le reposer. Après un tel billet, je crois que je vais me décider à l'acheter! A bientôt!

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  4. Tout à fait d'accord avec cette critique. Je pensais également lire un livre un peu mièvre et finalement cela m'a bien secouée et émue !
    Mon article sur cet ouvrage si cela t'intéresse :)
    http://www.frelie.fr/la-couleur-des-sentiments-kathryn-stockett/

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  5. Ah, je l'ai lu (et adoré) récemment moi aussi, j'en ai d'ailleurs parlé sur mon blog lundi. Très beau roman...

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  6. Je n'ai rien à rajouter à ton avis. C'est une très belle histoire, révoltante par bien des côtés.

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  7. Un roman que j'avais beaucoup aimé, avec des personnages haut en couleur.

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  8. @ Marion : tu me diras ce que tu en as pensé si tu te laisses tenter ! A très vite ma belle :)

    @ Frélie : merci d'être passée ! Finalement on arrive encore à avoir d'excellentes surprises avec des livres très médiatiques :)

    Merci à tous les autres pour vos petits mots !

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  9. J'ai vraiment aimé ce roman qui sort de l'ordinaire. A la fois grave mais aussi par moment drôle, ce livre m'a vraiment touché.

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  10. Tu as vu le film?
    J'ai été déçu par les trop bons sentiments du film alors j'hésite à lire malgré les retours positifs que j'ai eu.
    Ton billet m'a donné envie, je vais le remonter dans ma pal. Très beau billet.

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  11. J'ai adoré ce livre !!! Il fait partie de mes coups de coeur. Aporès avoir longtemps hésité, j'ai vu l'adaptation cinématographique. Je l'ai trouvée très fidèle au livre.

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