Ce soir, Caumes a 17 ans et attend le déluge. Il ne sait qu'une chose : à la fin de l'année, il quittera sa ville natale pour rejoindre son frère aîné à Paris. Paris, la ville rêvée. Ce soir, Caumes a 17 ans et attend aussi le miracle qui, à son grand étonnement, survient : Esther – sujet de tous ses fantasmes – se décide enfin à lui adresser plus de trois mots, à le regarder droit dans les yeux et à laisser deviner un "plus si affinités"… Nous sommes le mardi 6 janvier 2015 et le monde de Caumes bascule : le premier amour s'annonce et la perspective obsédante de la "première fois". Sauf que le lendemain, c'est la France qui bascule à son tour : deux terroristes forcent l'entrée du journal Charlie Hebdo et font onze victimes…
En cette toute fin 2016, rien ne me préparait au choc Arnaud Cathrine. Je n'avais même pas regardé La grande Librairie, où il était invité le 8 décembre en compagnie de Susie Morgenstern, Clémentine Beauvais, Claude Ponti et Frédéric Lenoir.
Dans la diversité de la littérature (fictive ou non) parue après les attentats, j'avais déjà pu découvrir les très bons Little Sister de Benoît Séverac ainsi que Et mes yeux se sont fermés de Patrick Bard ; rien d'étonnant donc à ce que je me dirige vers le roman d'Arnaud Cathrine car j'apprécie particulièrement toutes les histoires qui touchent au réel et qui nous retournent.
"Retourner", le mot est faible pour décrire l'émotion que j'ai ressentie tout au long de ma lecture. Arnaud Cathrine a l'art et la manière de nous plonger dans le quotidien d'un grand ado, de nous décrire de façon simple et percutante les grands bouleversements de cet âge. Construit presque comme un journal, son roman nous décrit jour par jour la semaine fatidique, celle qui voit naître les plus grands espoirs et bonheurs de son héros ainsi que la terrible tristesse et l'angoisse qui s'emparent de la nation.
Aux prises avec des sentiments éminemment contradictoires, Caumes voit se cristalliser toutes les tensions dans le microcosme de son lycée : des clans se crééent entre les étudiants, des consciences s'éveillent, des langues se délient et l'irréparable est commis... C'est le cœur de plus en plus serré que j'ai continué ma lecture, avec cette intuition profonde que les dernières pages seraient décisives : elles sont encore plus que ça.
Vous l'aurez compris, c'est avec une finesse hors normes et une profonde compréhension de l'âme humaine qu'Arnaud Cathrine tisse son roman. Il parvient à mêler histoire personnelle et histoire collective, chaque partie éclairant l'autre d'un regard nouveau. Les mots sonnent justes et font écho à chaque instant à ce que nous avons pu ressentir cette fameuse semaine, le regard collé aux chaines d'informations, envahi d'un sentiment d'urgence de vivre.
Cela faisait des années que je n'avais pas été aussi bouleversée par une lecture, et c'est seulement presque trois semaines après que je parviens non seulement à en écrire quelques lignes mais aussi à reprendre une activité de lecture régulière tant tout ce que j'ai tenté ensuite me paraissait fade et décoloré. C'est vous dire le blast de cette lecture, que je ne saurais que trop vous recommander...
À la place du cœur (saison 1), Arnaud Cathrine
Éditeur : Robert Laffont
Collection : R
Paru en 2016
252 pages
16 €
ISBN 9782221193334